Être écrivain en France

Qui peut nous dire à la fin si nous fabriquons des livres qui méritent ce nom ? Un écrivain n’a le secours de personne. Ni le public ni la critique ni notre entourage ne peuvent rien à notre lucidité ou notre idiotie sur notre propre travail. Seul l’éditeur devrait être, en théorie, le dépositaire secret et oraculaire de notre constance, de notre force, de l’importance de notre chaloupe dans l’océan absurde des livres publiés.

Mais le règne de l’argent pourrit même cela. Pour beaucoup, comme moi, c’est l’errance.

Avec mes éditeurs, je n’ai malheureusement eu que des relations frustrantes, quoique excitantes, de « coup d’un soir ». Car nous sommes aujourd’hui domestiqués par le monde que l’humanité s’est lentement fabriquée, avec notre concours et malgré nos protestations. Et ainsi, malgré eux peut-être et malgré certains d’entre nous, nous autres écrivains sommes poussés à n’être que des mercenaires et nos éditeurs des commerçants. C’est le far-west. Ou pire : la comédie du far-west, avec des acteurs rétifs jouant au service de quelques vedettes

Décidément, notre époque est trop détestable pour que je sois moderne. Ce serait coller à elle et donc, en fin de compte, la justifier. Je ne me plains pas, ou si peu finalement. L’insuccès pousse à la solitude, mais tout y est en ordre.