L’Histoire dans l’homme

Je ne peux m’empêcher d’être plus qu’ému — bouleversé, vraiment, mais sans larmes et sans pitié, avec une juste et froide rage mêlée d’un peu de honte — à la lecture du récit de l’inconnu Georges Hyvernaud intitulé « La peau et les os » et publié dans l’indifférence générale (ou plutôt l’exaspération, un soupir frivole général) en 1949.

Sa cruelle lucidité sur sa captivité en Allemagne et, au-delà, sur son retour et son entrée ratée et brève dans la carrière littéraire a donné lieu à un livre. Et ce livre énonce des vérités pures, denses et gluantes comme de simples galets de rivière beurrés de vase. Parmi elles, celle-ci, alors qu’il évoque la folie douce qui s’est emparée des prisonniers qui, au stalag, autour de lui s’ennuient :

Et puis ce coup de tonnerre, qui d’un seul coup me cloue au sol (me désigne du doigt, comme une espèce de gros dieu revanchard pointant vers moi dans la foule), parce qu’il condense tout ce qui me tient à la table d’écriture depuis des semaines que je me suis mis à écrire solitairement et sans doute vainement moi aussi sur la guerre, puisque la guerre est l’horizon qu’on nous promet :

Rien n’est plus terrible, rien n’est plus compliqué, rien n’est plus élémentaire que ça — rien n’est plus évident. Débrouillons-nous avec ça.